Nos médias nous montrent à l'envi des images d'un Vladimir Poutine arrogant, menaçant et vantant la grandeur de la Russie. Les libertés individuelles y sont muselées, les élections truquées, les opposants assassinés ou emprisonnés et la corruption galopante.
Mais ce pays est-il vraiment ce qu'il paraît être ? Est-il vraiment devenu cet État totalitaire et impérialiste qu'on nous dépeint depuis l'annexion de la Crimée ? Tel est l'envers du décor : un régime fragile au bord de l'implosion, un président dont le cercle rapproché ne pense qu'à placer sa fortune sur des comptes offshore, une opposition fragmentée souvent tentée par l'ultranationalisme, une population désabusée et nostalgique de l'ère soviétique, plus attachée à ses acquis sociaux menacés qu'à ses libertés personnelles, des syndicats à la botte du gouvernement, une Église orthodoxe omniprésente et corrompue, délaissée par ses fidèles, et une économie minée par la chute du prix du baril de pétrole et par les sanctions imposées par l'Union européenne et les États-Unis.
Parce que la Russie d'aujourd'hui est bien plus ancrée dans le passé et Poutine bien plus héritier d'Eltsine et de Gorbatchev qu'il n'y paraît, il nous fallait le regard d'un historien pour replacer les évènements dans leur contexte et décoder ce pays des faux-semblants.
Boris Nemtsov, dirigeant du parti Parnas, l'un des principaux opposants russes, préparait un rapport sur « Poutine et la guerre » dans lequel il entendait montrer comment le maître du Kremlin avait préparé la guerre contre l'Ukraine.
Au début de cette année, Boris Nemtsov avait commencé à rassembler des informations dans ce but, convaincu qu'en Russie, à part Vladimir Poutine et son entourage, personne n'avait besoin de cette guerre.
Boris Nemtsov n'a pas eu le temps d'achever ce réquisitoire. Il a été abattu par des tueurs, le 27 février 2015, sous les murs du Kremlin.
Ce rapport est donc basé sur les informations qu'il avait réunies et sélectionnées. Ses notes manuscrites, les documents rassemblés par lui, ont tous été utilisés pour la rédaction finale de ce rapport qui restera comme une réponse prémonitoire à l'impudente propagande du pouvoir.
Mais on le sait bien depuis Anna Politkovskaya assassinée et tant d'autres - en Russie, le courage politique se paie au prix fort.
Depuis Les Cercueils de zinc et La Supplication, Svetlana Alexievitch est la seule à garder vivante la mémoire de cette tragédie qu'a été l'URSS, la seule à écrire la petite histoire d'une grande utopie. Mais elle est avant tout un écrivain, un grand écrivain. Ce magnifique requiem utilise une forme littéraire polyphonique singulière, qui fait résonner les voix de centaines de témoins brisés.
Dans «Les Cercueils de zinc», Svetlana Alexievitch avait osé violer en 1989 un des derniers tabous de l'ex-URSS : elle dénonçait le mythe de la guerre d'Afghanistan, des guerriers libérateurs. La vérité n'est jamais bonne à dire, «Les Cercueils de zinc» valut à son auteur un procès pour "calomnie". Reste que sans ce livre on ne saurait rien de la guerre des Soviétiques en Afghanistan ni, vues de l'intérieur, des dernières années de l'URSS. Un témoignage capital du Prix Nobel de littérature 2015, dans une édition revue par l'auteur.
Au sommaire de ce thesaurus consacré à l'auteur de La Fin de l'homme rouge (Prix Médicis Essai - 2013), trois stupéfiants « romans de voix » qui mêlent les témoignages les plus terribles et les plus intimes de deux tragédies du siècle soviétique : la Seconde Guerre mondiale, racontée du point de vue des femmes qui l'ont vécue (La guerre n'a pas un visage de femme) et de ceux qui n'étaient à l'époque que des enfants (Derniers témoins), et la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (La Supplication). Précédé d'un entretien de l'auteur avec Michel Eltchaninoff (Dans la tête de Vladimir Poutine, Actes Sud, 2015).
Autour de la figure de Bénia Krik, le «Roi» d'une pègre de gangsters, de charretiers, de contrebandiers, s'ordonne le petit monde du quartier juif de l'Odessa des bas-fonds que met en scène - comme un hommage à ses origines - Isaac Babel.
Ici, pourtant, le petit Juif persécuté de l'imagerie de son enfance devient - par le retournement de la fiction - le beau et fort roi des voleurs d'Odessa. Capable de marier une soeur contrefaite, et même, en commanditant l'incendie du commissariat, capable d'empêcher que la cérémonie soit troublée...
C'est bien une fresque baroque, colorée, grouillante de vie et pleine d'humour que dessine ce recueil.
Pour la première fois rassemblés dans leur intégralité en un seul volume, Cavalerie rouge et le Journal de 1920 proposent deux versions d'une même expérience, celle que vécut Isaac Babel dans la cavalerie de Boudionny. Dans les courts récits réunis sous le titre Cavalerie rouge, Isaac Babel, définitivement marqué par la violence des situations, remet en question, avec le sombre humour et la passion toute contenue qui caractérisent son écriture, l'humaine condition : les combats quotidiens, les massacres, l'insoutenable vie de cavalerie deviennent ici autant de tableaux d'une poésie désespérée.
Le Journal de 1920 est comme la genèse de ces terrifiantes fictions : Babel propose sur la guerre, sur les événements de l'époque, des réflexions d'une saisissante objectivité, livrant ainsi l'implacable témoignage sur la vie qui palpite.
Moscou, années 1930, le stalinisme est tout puissant, l'austérité ronge la vie et les âmes, les artistes sont devenus serviles et l'athéisme est proclamé par l'État. C'est dans ce contexte que le diable décide d'apparaître et de semer la pagaille bouleversant les notions de bien, de mal, de vrai, de faux, jusqu'à rendre fou ceux qu'il croise. Chef-d'oeuvre de la littérature russe, «Le Maître et Marguerite» dénonce dans un rire féroce les pouvoirs autoritaires, les veules qui s'en accommodent, les artistes complaisants, l'absence imbécile de doute. André Markowicz, qui en retraduisant les oeuvres de Fiodor Dostoïevski leur a rendu toute leur force, s'attaque à un monument littéraire et nous restitue sa cruauté première, son souffle romanesque, son universalité.
Mikhaïl Afanassiévitch Boulgakov (1891-1940), comme l'écrit dans sa préface Michel Parfenov, "eut le destin d'un vrai écrivain russe." Le présent volume retrace son itinéraire en réunissant cinq de ses principaux textes autobiographiques.
Morphine, publié en 1927, mais dont l'idée germa dès 1917, alors que l'écrivain était responsable du dispensaire d'un chef-lieu de canton, relate le destin tragique d'un médecin devenu morphinomane.
Ecrits sur des manchettes est un faux journal intime. Le vrai, tenu de 1922 à 1925, lui avait été confisqué au cours d'une perquisition, Boulgakov croyait l'avoir détruit. C'était compter sans le zèle de la police qui avait gardé, par devers elle, une copie du Journal confisqué.
Tandis que Staline mettait en place ce qui allait devenir l'une des deux entreprises totalitaires du siècle, Boulgakov, avec Evguéni Zamiatine, lui écrivit plusieurs lettres pour obtenir l'autorisation de partir à l'étranger. Ces Lettres à Staline lui valurent un coup de téléphone fameux de leur destinataire dont le résultat fut de lui assurer pour un temps un emploi et quelques ressources.
Une clémence surprenante, alors que le dictateur ne pouvait ignorer ses sentiments les plus intimes et son passé de médecin dans l'Armée blanche raconté dans Les Aventures extraordinaires d'un docteur.
Une trentaine d'années après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, les alentours de la centrale désaffectée se repeuplent clandestinement : Baba Dounia, veuve solitaire et décapante, entend bien y vieillir en paix. En dépit des radiations, son temps s'écoule en compagnie d'une chaleureuse hypocondriaque, d'un moribond fantasque et d'un centenaire rêvant de convoler en justes noces. Jusqu'à l'irruption de deux nouveaux résidents, qui va ébranler cette communauté marginale. D'une plume à la fois malicieuse et implacable, Alina Bronsky jette un éclairage captivant sur les tracas de la vie collective, l'expérience du grand âge et les enjeux de l'énergie nucléaire.
Pour détourner la censure du tsar, Pouchkine revient sur une révolte paysanne de la fin du XVIIIe siècle et écrit un chef-d'oeuvre de la littérature russe - à la fois roman d'apprentissage, roman d'aventures, roman historique, poème allégorique et dénonciation du pouvoir. Le texte que Marina Tsvetaïeva lui consacrera est un hymne au triomphe de la poésie sur l'histoire événementielle. André Markowicz poursuit son entreprise de retraduction de l'oeuvre de Pouchkine, ici avec la collaboration de Françoise Morvan avec laquelle il a traduit tout le théâtre de Tchekhov.
"placé du côté de la légèreté, du sourire, le roman de pouchkine est unique dans la littérature russe : il n'apprend pas à vivre, ne dénonce pas, n'accuse pas, n'appelle pas à la révolte, n'impose pas un point de vue, comme le font, chacun à sa façon, dostoïevski, tolstoï, ou, plus près de nous, soljénitsyne et tant d'autres, tchekhov excepté.
En russie, chacun peut réciter de larges extraits de ce roman-poème qui fait partie de la vie quotidienne. a travers l'itinéraire tragique d'une non-concordance entre un jeune mondain et une jeune femme passionnée de littérature, il est, par sa beauté, par sa tristesse et sa légèreté proprement mozartiennes, ce qui rend la vie vivable. " andré markowicz, qui s'applique depuis des années à faire connaître la richesse de la littérature classique russe, propose ici une remarquable traduction en octosyllabes rimés du chef-d'oeuvre de pouchkine.
A son retour de Paris, Lioubov Andreevna doit se rendre à l'évidence et, "ne serait-ce qu'une fois dans sa vie, regarder la vérité en face". Il lui faut vendre son domaine et, avec lui, la cerisaie qui en fait le raffinement et la beauté.
La Cerisaie offre un tableau de l'aristocratie russe de la fin du XIXe siècle, vieillissante et inadaptée au monde moderne des marchands. Avec son écriture légère, son style enlevé - dont la nouvelle traduction d'André Markowicz et Françoise Morvan rend toute la saveur et le naturel -, c'est à la fois une partition théâtrale et une petite musique bouffonne, tragique, qu'a composées Tchekhov. Par cette oeuvre incisive, Lopakhine le parvenu, Trofimov l'éternel étudiant sont devenus de véritables types de la littérature russe et du théâtre européen.
Les amateurs de sensations fortes seront ici comblés s'ils ont assez de finesse pour goûter celles de l'esprit. Car Nina Berberova, qui défend avec une farouche discrétion les actes intimes de sa vie, est en revanche capable des excursions les plus hardies dès lors qu'il s'agit des oeuvres et des idées, en cela guidée par une nécessité sur laquelle on est fixé dès la préface de son livre. Mais elle s'affirme tout de même l'incomparable témoin des grandes convulsions de notre temps, et la description de la Russie en proie aux premiers assauts de la révolution, les affres de l'immigration, l'état de la France quand elle y vient et quand la guerre s'y installe, de même que le spectacle que lui offrent les Etats-Unis à son arrivée, véritables morceaux d'anthologie, laissent dans l'esprit du lecteur des empreintes profondes.
Traduit du russe par René Misslin et Anne Misslin.
Il y a le père, fiodor pavlovich, riche, malhonnête et débauché, et ses trois fils légitimes : mitia, impulsif, orgueilleux, sauvage ; yvan, intellectuel, raffiné, intransigeant ; aliocha, sincère, pieux, naïf.
Et puis il y a le fils illégitime, smerdiakov, libertin cynique vivant en serviteur chez son père. l'un d'eux sera parricide. roman complet et flamboyant, les frères karamazov rassemble une intrigue policière, plusieurs histoires d'amour, des exposés théologiques et métaphysiques éblouissants et des personnages inoubliables déchirés par leurs conflits intérieurs. sans doute le chef-d'oeuvre de dostoïevski.
Avec cette publication se conclut également l'immense entreprise de retraduction des romans de dostoïevski entamée il y a plus de dix ans par andré markowicz.
Il y a le père, Fiodor Pavlovich, riche, malhonnête et débauché, et ses trois fils légitimes : Mitia, impulsif, orgueilleux, sauvage ; Yvan, intellectuel, raffiné, intransigeant ; Aliocha, sincère, pieux, naïf. Et puis il y a le fils illégitime, Smerdiakov, libertin cynique vivant en serviteur chez son père. L'un d'eux sera parricide.
Roman complet et flamboyant, Les Frères Karamazov rassemble une intrigue policière, plusieurs histoires d'amour, des exposés théologiques et métaphysiques éblouissants et des personnages inoubliables déchirés par leurs conflits intérieurs. Sans doute le chef-d'oeuvre de Dostoïevski.
Avec cette publication se conclut également l'immense entreprise de retraduction des romans de Dostoïevski entamée il y a plus de dix ans par André Markowicz.
Réfugié dans son sous-sol, le personnage que met en scène dostoïevski n'a de cesse qu'il n'ait conspué l'humaine condition pour prôner son droit à la liberté.
Et il n'a de répit qu'il n'ait, dans son discours, humilié, diminué, vilipendé les amis de passage ou la maîtresse d'un soir. or, pour rendre la tonalité de ce monologue, pour en retrouver la " matière ", pour en restituer le sens qui tient avant tout à la langue et à l'usage qu'en fait dostoïevski, il fallait une traduction débarrassée du souci d'élégance contre lequel celui-ci n'a cessé de lutter.
C'est pourquoi la nouvelle traduction d'andré markowicz - qui a entrepris pour babel de retraduire intégralement l'oeuvre de dostoïevski - trouve ici toute sa nécessité. imprécatoire et violente, elle permet d'entendre la véritable voix du grand écrivain russe.
L'acte fondateur du roman est le meurtre de la vieille usurière, dans un immeuble de Saint-Pétersbourg, par l'étudiant Raskolnikov : sa réflexion sur le mobile du crime, l'influence de Sonia ou une mystérieuse puissance intérieure, poussent le héros à se dénoncer et à devenir l'objet d'un châtiment librement consenti. C'est pendant les années de bagne que se révèle à lui son amour pour Sonia, et le chemin de la rédemption.
Crime et Châtiment est le deuxième "grand roman" de Dostoïevski, qu'il écrivit en même temps que Le joueur, en 1866, alors qu'il était revenu de sa déportation en Sibérie et qu'il entrait dans les années les plus productives de sa carrière : L'idiot, L'Eternel Mari et Les Démons allaient paraître de 1866 à 1871.
L'acte fondateur du roman est le meurtre de la vieille usurière, dans un immeuble de Saint-Pétersbourg, par l'étudiant Raskolnikov : sa réflexion sur le mobile du crime, l'influence de Sonia ou une mystérieuse puissance intérieure, poussent le héros à se dénoncer et à devenir l'objet d'un châtiment librement consenti.
C'est pendant les années de bagne que se révèle à lui son amour pour Sonia, et le chemin de la rédemption.
Crime et Châtiment est le deuxième " grand roman " de Dostoïevski, qu'il écrivit en même temps que Le Joueur, en 1866, alors qu'il était revenu de sa déportation en Sibérie et qu'il entrait dans les années les plus productives de sa carrière : L'Idiot, L'Eternel Mari et Les Démons allaient paraître de 1866 à 1871.
Un jeune bidasse russe revient de son service militaire en Tchétchénie le visage monstrueusement brûlé après l'attaque de son tank par les boeiviki. Pour oublier, Kostia, dont le visage terrorise les enfants, se met à boire comme seuls les Russes savent le faire... à mort. Il suit en cela l'enseignement d'un peintre raté qui lui a appris deux choses : boire de la vodka sans simagrées et ouvrir ses yeux au monde pour mieux le peindre.
Avec deux de ses camarades, il part à la recherche du quatrième rescapé de l'équipage de tankistes qu'ils formaient en Tchétchénie. Dans leur périple à travers les villes russes, leurs gares, leurs rues, leurs faunes, Kostia mettra en pratique la seconde leçon essentielle de son maître : apprendre à voir, donc à dessiner, donc à vivre.
Onze nouvelles qui passent sans crier gare du comique au tragique dans lesquelles Zakhar Prilepine, à sa façon - brutale et somptueuse -, parle des femmes, des "potes", de l'amour, de l'amitié, de la trahison, de la guerre, de comment on devient un homme, de la campagne russe qui se meurt... Il y a un ton Prilepine, à coup sûr celui d'un grand écrivain.
Dans une société assujettie au bonheur infaillible et obligatoire, alors que la "dernière" de toutes les révolutions possibles a eu lieu, les hommes, sous une cité de verre dans laquelle chaque geste est contrôlé, sont devenus des "Numéros". Ceux-ci paient de leur vie le moindre écart à l'ordre établi contre lequel, malgré tout, une poignée de dissidents va s'insurger. D-503 y tient un journal à la gloire de ce monde aseptisé et y consigne les débuts d'une insurrection qui va peu à peu le transformer. Anti-utopie prophétique qui anticipe toutes les glaciations du XXe siècle, «Nous» est considéré comme le premier chef-d'oeuvre de science-fiction, celui qui inspirera «1984 »de George Orwell et «Le Meilleur des mondes» d'Aldous Huxley. Cette nouvelle traduction vise à faire entendre, dans les mots, cet appel tragique : on a toujours raison de se révolter.
Réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone de Jeanne qui lui apprend la mort de Vladimir, Mathias part à Moscou pour escorter le corps de son ami jusqu'à son village natal, au fin fond de la Sibérie. Il effectuera le voyage seul à bord du Transsibérien qui relie Moscou à Vladivostok. Quatre mille kilomètres à parcourir à travers une extraordinaire succession de paysages, et autant d'évocations du passé : Jeanne, Mathias et Vladimir, trois personnages perdus, triangle amoureux consumé par la vodka et la drogue. A ces souvenirs se mêlent les lointains échos de la guerre civile menée par Trotski, le spectre des Goulags racontés par Chalamov, les ombres de Dostoïevski, de Gogol mais aussi de Tchekhov, qui prétendait que, face à la mort, il ne reste que l'alcool et la nostalgie.
Au fin fond de la forêt russe, alors que Staline accélère les déportations dans les camps, un vieil aiguilleur chargé de l'entretien des rails voit rejaillir un passé et un amour que rien ne saurait étouffer et se lance dans une dernière quête, à la fois folle et salvatrice.