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La démocratie a posé l'universalité du principe d'égalité formelle des individus, quelles que soient par ailleurs les inégalités sociales, culturelles et autres. La démocratisation est animée par l'ambition d'assurer l'égalité réelle des citoyens. Elle s'est traduite par le développement de l'Etat-providence qui intervient toujours plus pour satisfaire les besoins économiques et sociaux des individus. Or son action est désormais paradoxale fruit du louable souci d'assurer l'universalité des droits, elle vise, par les " discriminations positives " et autres politiques de promotion spécifique, à défendre les droits particuliers de certaines catégories. L'équité se substitue à l'égalité, le multiculturalisme à l'universalité. Telle est l'épreuve particulière que traversent les démocraties occidentales, confrontées au caractère toujours plus " providentiel " de leurs sociétés : si l'égalité contemporaine tend à épuiser les formes de transcendance collective, comment peut-on continuer à " faire société " ?
Il y a un malaise dans la démocratie. Jamais cependant les sociétés n'ont été aussi libres, aussi tolérantes et aussi riches, n'ont assuré plus de libertés, plus de bien-être matériel à leurs membres et n'ont été moins inégalitaires.
Dominique Schnapper, poursuivant sa réflexion sur la dynamique démocratique et ses vertus dont nous profitons sans en prendre toujours conscience tant elles nous paraissent naturelles, analyse ici ses dévoiements possibles, susceptibles de remettre en question les grands principes qui la fondent - des dévoiements portés par l'ambition de dépasser toutes les limites, nés de l'intérieur de la vie sociale et dans son prolongement. Il suffirait de donner à chaque principe son sens plein, en allant au bout de sa logique, jusqu'à l'excès qui risque de le déformer.
La démocratie ne peut que se trahir elle-même, incapable d'être à la hauteur de ses ambitions. Il importe donc de saisir le moment où cet écart entre les aspirations des individus et la réalité des pratiques sociales finirait par remettre en question le sens même de l'ordre démocratique. Ainsi, la forme moderne de l'hubris ne serait-elle pas le rêve d'échapper aux contraintes biologiques et sociales de la condition humaine, nourri par les avancées remarquables de la science et par la puissance de l'aspiration démocratique?
Né de l'inquiétude sur les nouvelles formes de vie sociale que suscitait la modernité, le concept d'intégration recouvre les modalités spécifiques de la vie collective dans les sociétés contemporaines. A l'origine, Durkheim le réserve au problème de la société dans son ensemble. Puis les sociologues s'interrogent sur la formation et le maintien des entités collectives, sur les relations entre l'individu et le groupe. Les recherches montrent alors que l'assimilation des immigrés n'est pas un processus unique ou rectiligne, mais comporte des dimensions et des modalités différentes, voire discordantes. Désormais, les sociologues distinguent entre l'adoption des traits culturels de la société - selon les auteurs, on parlera d'" acculturation ", d'" assimilation ", voire d'" intégration culturelle " - et la participation aux diverses instances de la vie sociale - l'" assimilation sociale " ou l'" intégration structurelle ". Toute la richesse comme l'ambiguïté particulière de l'intégration - puisque le mot appartient en même temps aux registres du politique et de la sociologie - se tiennent là, dans le fait que le concept porte à la fois sur l'intégration des individus à la société et sur l'intégration de la société dans son ensemble.
Fille de Raymond Aron et femme d'Antoine Schnapper, historienne de l'art et élève d'André Chastel, Dominique Schnapper est l'une des figures de la sociologie et des sciences politiques françaises. Elle évoque ici son enfance dans l'ombre de son père, son " entrée en sociologie ", à la fin des années 1950, quand les Crozier, Touraine, Mendras ou encore Morin jetaient les bases de ce que sera l'école française dans sa diversité, sa rencontre décisive avec Pierre Bourdieu, alors jeune assistant à la Sorbonne, son séjour de jeunesse à Bologne avec son mari, le retour à Paris et les premiers pas dans la carrière académique, à l'heure où l'enseignement de sociologie se réorganise, la rupture avec Bourdieu, le climat de l'après-1968.
Elle revient surtout sur ses années d'enseignement, quand sont parus ses principaux livres, et s'explique sur les spécificités de sa démarche et de ses travaux, les grands thèmes qu'elle a abordés, tout en donnant son regard sur l'évolution de la sociologie française jusqu'à aujourd'hui.
Le thème choisi par Dominique Schnapper pour sa thèse de doctorat portait déjà sur « Traditions culturelles et sociétés industrielles » et, à l'EHESS où elle a enseigné durant toute sa carrière, sa direction d'études a porté successivement sur « l'ethnosociologie des sociétés modernes » puis « la sociologie de la citoyenneté ». Sa réflexion lui a valu d'être nommée à de nombreuses commissions nationales portant sur le multiculturalisme et sur la citoyenneté, ainsi qu'au Conseil Constitutionnel de 2001 à 2010. Parmi ses ouvrages, citons (Gallimard) : L'Épreuve du chômage (1981), Qu'est-ce que la citoyenneté ? (2000), Questionner le racisme (2000), Qu'est-ce que l'intégration ?
(2007), L'Esprit démocratique des lois (2014). Elle est également l'auteur de Les Musulmans en Europe (Observatoire du Changement Social, 1992).
Nul n'est donc mieux qualifié pour aborder les questions brûlantes qui se posent à la veille de l'élection présidentielle : Dans une « République aux 100 cultures », comment conjuguer citoyenneté et diversité ? Comment éviter de sombrer dans une « République sans culture » ? Des émeutes de 2005 à la tentation terroriste, pourquoi ce malaise dans la société française ? « Ce n'est pas dans son principe, affirme D. Schnapper, que le «modèle républicain» est obsolète.
La politique d'intégration par la citoyenneté et la pratique professionnelle est conforme à la vocation des sociétés démocratiques et prolonge la tradition nationale. Le débat ne devrait pas porter sur le principe, mais sur les modalités de son application. Ce sont les manquements au modèle républicain, élément de l'ensemble de la crise de la société française, qui créent l'échec partiel de la politique d'intégration et le sentiment plus général du déclin national. »
Partout se propage la contamination du nationalisme, partout s'observe l'affaiblissement de la nation.
Or, la nation moderne est un projet politique singulier. née au xviiie siècle en angleterre, aux états-unis et en france, elle a pour fonction première d'intégrer également chacun à la vie d'une communauté politique et de défendre celle-ci sur la scène internationale. elle se veut une communauté idéale de citoyens; elle ne connaît que des égaux, qui partagent une langue, une histoire et une volonté de vivre ensemble; elle ignore résolument les particularités ethniques, régionales, culturelles, linguistiques, religieuses de chacun.
Ainsi, la nation moderne est historiquement indissociable de la démocratie et essentiellement opposée au nationalisme. quel peut être l'avenir de cette communauté de citoyens, quand les uns se réclament de leurs particularismes ethniques ou de leur identité religieuse, quand les autres confondent leurs devoirs de citoyens avec leurs droits de consommateurs ?.
L'antisémitisme réapparaît chaque fois qu'une société est fragilisée, dans son économie comme dans ses institutions politiques. Il est la maladie de nos sociétés démocratiques : il vise à en saper les fondements, à nier l'unité que la république entend instaurer entre les citoyens.
De l'assassinat d'Ilan Halimi aux attentats de l'Hyper Cacher, en passant par les meurtres perpétrés par Mohamed Merah contre des enfants, ces actes de violence antisémite ont annoncé les attaques terroristes qui ont plus tard ensanglanté la France.
Quelles réponses y apporter ? Comment s'en prémunir ? Le punir ou le prévenir ? Quelles raisons peuvent en effet expliquer la montée de l'intolérance et la remise en cause des principes républicains ? C'est à ces questions que s'attache cet ouvrage, qui réunit historiens et philosophes, mais aussi acteurs de terrain.
À travers la question de l'antisémitisme, c'est une analyse de la situation actuelle de la France qui est ainsi donnée.
Dominique Schnapper est membre honoraire du Conseil constitutionnel, auteur notamment de Travailler et aimer.
Paul Salmona est directeur du Musée d'art et d'histoire du judaïsme.
Perrine Simon-Nahum est philosophe et directrice de recherches au CNRS.
Avec les contributions de Joëlle Allouche-Benayoun, Dan Arbib, Georges Bensoussan, Jean-Yves Camus, Danielle Cohen-Levinas, Emmanuel Debono, Vincent Duclert, Steven Englund, Bernard Godard, Valérie Igounet, Günther Jikeli, Laurent Joly, Marc de Launay, Jean-Pierre Obin, Philippe Oriol, Mgr Pierre d'Ornellas, Philippe Raynaud, Carole Reynaud- Paligot, Jean-Pierre Winter, Paul Zawadzki.