« Dans son histoire de la construction, Giedion attribue à la France un rôle central et paradoxal. De 1830 à l'époque contemporaine (les années 1920 pour Giedion), la France tient, selon lui, une place majeure dans l'innovation technologique : les ingénieurs français sont à la pointe des techniques constructives grâce à la qualité des grandes écoles scientifiques. Mais la pesanteur de la tradition académique empêche selon Giedion les architectes, accablés de références historiques, de tirer profit des inventions, dont l'usage est restreint aux travaux publics et aux constructions industrielles ».
Nicolas Padiou, in Livraisons d'histoire de l'architecture, 2003.
« La traduction de l'un des livres cultes de l'historiographie architecturale contemporaine doit être considérée comme un petit événement. Dans l'avant-propos à ce fac-similé, Jean-Louis Cohen replace dans son contexte l'écriture de Bauen in Frankreich, bauen in Eisen, bauen in Eisenbeton, ses fondements théoriques et ses influences : Walter Benjamin s'en inspirera en effet au cours de l'écriture de son Paris au XIXe siècle. [...].
Aussi la présentation de quelques éléments de la prémaquette permet-elle de comprendre mieux encore le rôle fondamental de l'iconographie dans le déroulement de son propos. L'ouvrage peut être vu, il est vrai, comme une exposition à plat ; son écriture est quasi cinématographique, servie par une mise en page - attribuée à l'artiste hongrois László Moholy-Nagy - qui en accentue l'efficacité ».
Simon Texier, in Bulletin monumental, 2002.
« Lorsque votre livre m'est parvenu, les quelques pages que j'ai lues sur le vif m'ont tellement électrisé que j'ai dû m'imposer de ne pas le lire plus loin jusqu'à ce que je fasse meilleure connaissance avec mes propres recherches sur le sujet [...]. Depuis quelques jours, les choses ont repris leur cours normal, et je passe des heures à lire votre livre, en admiration. » Lettre de Walter Benjamin à Sigfried Giedion, 1929.
30 millions de touristes se rendent chaque année à Paris pour visiter ses prestigieux monuments. Mais on oublie que cette ville est riche aussi de ses immeubles ordinaires qui en constituent le paysage quotidien, si apprécié du flâneur. Cet ouvrage rend justice à ce patrimoine mineur et invisible qui compte plusieurs types identifiables depuis la fin du Moyen-Âge, jusqu'au XXe siècle.
Le paysage est désormais partout. Limité un temps à un genre de la peinture, étendu depuis quelques décennies à une profession, il déborde aujourd'hui largement ces domaines et, via les questions d'urbanisme, d'environnement, de développement durable, il occupe l'espace de la plupart des problématiques engageant l'avenir de la planète. Il a à voir avec la géographie, l'histoire, les moeurs, l'économie, l'agronomie, les arts et la littérature, le voyage, la philosophie... la politique aussi bien sûr. Mais dans cette étendue il se disperse, il se perd quelque peu. Faut-il dès lors en restreindre l'approche aux stricts attendus d'une profession - paysagiste - qui en a fait son matériau et son médium, ou bien doit-on le suivre partout où on le rencontre ?
Le parti des Cahiers de l'École de Blois, et justement parce qu'émanant d'un lieu d'enseignement du paysage, aura toujours été jusqu'à présent de ne privilégier aucune de ces voies, de n'en considérer aucune comme seconde. Parler du paysage en termes de métier, en reliant cette préoccupation à la notion de projet, peut-être plus centrale encore qu'en architecture, mais l'approcher aussi de manière sensible ou réfléchie hors du cadre projectuel, via les sciences humaines et les arts - ces deux voies, les Cahiers ont tenté de les suivre ensemble et de les tresser. Avec ce numéro, il ne s'agit pas du tout de dresser un bilan de ce travail, mais de reprendre le chantier à son commencement, en tant qu'il détermine un espace de questions, une sorte d'inquiétude féconde.
Il y a quinze ou vingt ans encore, quand on parlait d'une école de la nature et du paysage, tout le monde ou presque imaginait aussitôt de la verdure, des pampres, des roseraies... On sait un peu mieux aujourd'hui qu'il s'agit de tout autre chose, et que le nom même de « nature » qui est convoqué dans cette appellation désigne d'abord la complexité de tout le vivant. « Vous avez dit nature ? » - Ce pourrait être là aussi l'axe de réflexion d'un numéro des Cahiers, mais pour celui-ci, la question, plus cadrée malgré tout, se contente de repartir d'un « Vous avez dit paysage ? », dont nous espérons qu'il aura la valeur d'une récapitulation et, par conséquent, d'un point d'appui.
On a souvent discouru sur leur contenu des activités, sur la manière de bâtir, sur le contexte de leur apparition mais rarement sur la mise en forme de bâtiments. Or ce qui fait la spécificité de cet art de la combinatoire c'est le travail de mise en forme, de conjuguer des éléments hétérogènes bref ce qu'on appelle couramment créer alors que le terme approprié est composer.
Quelques 380 planches spécialement dessinées servent une telle démonstration.
Dans ce volume, les planches montrent les plans et les tracés de trois bâtiments:
Maison Fisher, Louis I. Kahn.
Villa Müller, Adolf Loos et Karel Lotha.
Projet pour une résiedence à Avignon, François Franque.
L'architecture comme l'aventure de la composition est ici restituée à l'aide de l'analyse approfondie d'un certain nombre d'études pour lesquelles l'auteur étudie leur morphologie architecturale, révèle les différentes géométries qui la sous-tendent et les tracés qui ont servi à l'architecte pour les concevoir.
Absent des traités d'architecture jusqu'au xixe siècle mais promu par les avant-gardes, le terme « espace », compris comme espace bâti et habité, possède différentes significations. Nous avons retenu l'une d'entre elles à partir de son expérimentation pratique ; celle de « lieu plus ou moins délimité où l'on peut se situer ». Une seconde acception, plus abstraite et conceptuelle, considère comme espace « ce qui est entre les limites », c'est-à-dire l'intervalle laissé « vide » entre les limites ? celles-ci étant plus ou moins matérialisées. Il s'agit d'un intervalle qui à la fois sépare et relie lesdites limites.
L'élaboration du projet d'architecture apparaît comme une manière progressive de lever l'indétermination de ses propres limites spatiales. La notion de surface-limite, dite encore surface délimitante, introduite précédemment dans l'étude des propriétés euclidiennes et topologiques montre ici sa valeur opératoire dans toute approche morphologique. Le mode d'expression des surfaces délimitantes peut se faire par « extension » ou par « séparation », ce qui permet d'exploiter l'épaisseur de l'enveloppe habitable en distinguant deux genres de surfaces-limites, extérieures et intérieures, qui ne coïncident pas nécessairement.
Les deux modes fondamentaux d'expression architectonique de ces limites se font par masses bâties et par intervalles non bâtis. Ils sont développés dans deux exemples canoniques : la Villa Almerico de Palladio et un projet de maison à trois cours conçu par Mies van der Rohe.
Après une présentation « raisonnée » du processus de mise en forme, l'auteur propose deux manières de faire qui peuvent être pratiquées tour à tour : découper une même forme (partition) et réunir entre elles plusieurs formes (ajout, addition). Pour conclure, sont introduites et commentées les figures usuelles de la composition : figures linéaires, directionnelles ou centralisées, ainsi que les grilles coordonnées et les groupements de voisinage (clusters). Ces modes opératoires sont déclinés à l'aide d'une soixantaine d'études de cas puisés dans l'ère préindustrielle comme dans le xxe siècle.
L'espace habité est investi, vécu, approprié, mémorisé de façon sélective. Il mobilise les trois catégories vitruviennes avec des poids différents. L'auteur expose plusieurs manières de découper ou d'unir les formes entre. Après une présentation « raisonnée » du processus de mise en forme, l'auteur propose deux manières de faire que l'on peut pratiquer tour à tour : découper une même forme (partition) et réunir entre elles plusieurs formes (ajout, addition).
Certains thèmes omniprésents dans le processus de mise en forme et de composition architecturale possèdent une valeur particulière parce qu'ils jalonnent l'histoire d'un pays, d'une époque, pour s'ancrer dans une mémoire collective, une civilisation. Ceux qui sous-tendent l'évolution de l'architecture occidentale permettent d'examiner un certain nombre de matérialisations courantes des limites spatiales du bâti telles qu'elles apparaissent à la fin du processus de mise en forme. Parmi celles-ci, les rapports entre les concepts classiques de masse bâtie et d'intervalle non bâti sont décisifs dans une démarche euristique qui puisse contribuer à équiper l'oeil, la main et la capacité d'investigation spatiale du projeteur. Ces deux modes fondamentaux d'expression architectonique des limites sont développés en détail avec deux exemples caractéristiques : la Villa Almerico de Palladio et un projet de maison à trois cours conçu par Mies van der Rohe.
La vue et la lumière sont des facteurs difficilement dissociables qui s'exercent simultanément. La vue est principalement dépendante de l'observateur avec ses composantes subjectives et objectives, alors que la lumière existe indépendamment de lui ; mais elle ne peut être appréciée que par lui, un phénomène qui nous ramène au sujet qui observe et explore visuellement l'espace bâti et habité, en position fixe ou en se déplaçant. Percevoir une forme par les sens et la représenter, graphiquement ou en maquette, est un processus actif qui implique une interprétation mettant en jeu mémoire et intellect. Cela résulte d'une suite d'opérations en partie conscientes et réfléchies, en partie spontanées, avec fréquemment une interprétation qui anticipe le phénomène de perception proprement dit.
Est abordé ensuite le thème des parcours spatio-temporels caractéristiques de certains dispositifs classiquesde l'architecture occidentale tels que les enfilades et les séquences urbaines « à plusieurs mains », comme on peut l'expérimenter en traversant un secteur du centre historique de Paris qui s'étend des anciennes Halles centrales jusqu'à la place de l'Odéon. Le jardin d'agrément offre quant à lui un vaste domaine de références de procédés scéniques exploités. Il offre un exercice, au-delà de l'utile, où l'on peut juger de la capacité d'imagination symbolique et du sens pratique de leurs concepteurs.
Trois exemples canoniques sont étudiés :
- un jardin de la Renaissance tardive, la Villa d'Este à Tivoli, réalisé au milieu du xve siècle dans la lignée du Songe de Poliphile. Il exploite le thème de l'eau domestiquée sous toutes ses formes ;
- les subtilités d'un jardin de tradition sino-japonaise, l'ermitage de Katsura, unique en son genre, autant par les suites de maisons de thé qu'il propose dans un parcours autour d'une grande pièce d'eau que dans la disposition de la résidence qui les commande, par décalages obliques dits en « vol d'oies » ;
- un jardin préromantique d'inspiration anglo-chinoise, très à la mode au cours des dernières décennies des Lumières parisiennes, en symbiose avec la maison Caron de Beaumarchais aménagée au voisinage de la Bastille.
Indexé aux régimes fixes de l'image ou du relevé, le paysage s'en exile pourtant continûment, que ce soit par son propre devenir ou par l'expérience que l'on fait de lui aussitôt que l'on s'y déplace, quel que soit dès lors le moyen employé. C'est ce paysage-mouvement, c'est la disposition du paysage au mouvement qui sont ici explorés, et par les voies les plus diverses : le vent, un canal, les premiers chemins de la Gaule, un projet futuriste abandonné, le cinéma, la ville de Detroit, une petite gare et deux plus grandes, et même le métro : il était fatal que ce n° 13 soit lui-même un voyage zigzagant.